Πέμπτη 22 Ιουλίου 2010

À une Madone , Charles Baudelaire



Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse,
Un autel souterrain au fond de ma détresse,
Et creuser dans le coin le plus noir de mon coeur,
Loin du désir mondain et du regard moqueur,
Une niche, d'azur et d'or tout émaillée,
Où tu te dresseras, Statue émerveillée.
Avec mes Vers polis, treillis d'un pur métal
Savamment constellé de rimes de cristal,
Je ferai pour ta tête une énorme Couronne;
Et dans ma Jalousie, ô mortelle Madone,
Je saurai te tailler un Manteau, de façon
Barbare, roide et lourd, et doublé de soupçon,
Qui, comme une guérite, enfermera tes charmes;
Non de Perles brodé, mais de toutes mes Larmes!
Ta Robe, ce sera mon Désir, frémissant,
Onduleux, mon Désir qui monte et qui descend,
Aux pointes se balance, aux vallons se repose,
Et revêt d'un baiser tout ton corps blanc et rose.
Je te ferai de mon Respect de beaux Souliers
De satin, par tes pieds divins humiliés,
Qui, les emprisonnant dans une molle étreinte,
Comme un moule fidèle en garderont l'empreinte.
Si je ne puis, malgré tout mon art diligent,
Pour Marchepied tailler une Lune d'argent,
Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles
Sous tes talons, afin que tu foules et railles,
Reine victorieuse et féconde en rachats,
Ce monstre tout gonflé de haine et de crachats.
Tu verras mes Pensers, rangés comme les Cierges
Devant l'autel fleuri de la Reine des Vierges,
Etoilant de reflets le plafond peint en bleu,
Te regarder toujours avec des yeux de feu;
Et comme tout en moi te chérit et t'admire,
Tout se fera Benjoin, Encens, Oliban, Myrrhe,
Et sans cesse vers toi, sommet blanc et neigeux,
En Vapeurs montera mon Esprit orageux.

Enfin, pour compléter ton rôle de Marie,

Et pour mêler l'amour avec la barbarie,
Volupté noire! des sept Péchés capitaux,
Bourreau plein de remords, je ferai sept Couteaux
Bien affilés, et comme un jongleur insensible,
Prenant le plus profond de ton amour pour cible,
Je les planterai tous dans ton Coeur pantelant,
Dans ton Coeur sanglotant, dans ton Coeur ruisselant!

Translation

To a Madonna

I wish to build for you, Madonna, my mistress,
An subterranean altar in the depths of my distress,
And hollow out in the blackest corner of my heart,
Far from worldly desires and mocking eyes,
A niche, enameled all in azure and gold,
In which you will stand, astonished Statue.
With my polished Verses, woven of pure metal,
Cunningly studded with crystalline rhymes,
I will make for your head an enormous Crown;
And of my Jealousy, oh mortal Madonna,
I will cut for you a Mantle, stiff and heavy,
Of Barbaric design and lined with suspicion,
Which, like a watchtower, will imprison your charms;
Not adorned with Pearls, but with all of my Tears!
Your gown will be made out of my Desire, trembling,
Undulating, my Desire rising and descending,
Poised on the peaks, and reposing in the valleys,
And dressing with a kiss all of your white and pink body.
From my Respect I will make you beautiful satin
Slippers, humbled by your divine feet,
And which, imprisoning them in a gentle embrace,
Like a faithful mold will preserve their impression.
If I cannot, despite all of my diligent art,
For a pedestal carve you a Moon of silver,
I will place the Serpent that gnaws at my entrails
Under your heels, in order that you may,
Victorious Queen, fecund in redemption,
Trample and mock this monster swollen with hate and spittle.
You will see my Thoughts, arranged like Candles
Before the flowering altar of the Queen of Virgins,
Their reflections studding with stars a ceiling painted blue,
Watching you always with eyes of fire;
And because everything in me cherishes and admires you,
Everything will become Benzoin, Incense, Frankincense, Myrrh,
And ceaselessly toward you, white and snowy summit,
My proud Spirit will rise as vaporous Clouds.

Finally, to complete your role as Mary,

And to mingle love with barbarity,
Black delight! Executioner filled with remorse, I will
Make seven well-sharpened Knives and, like an insensitive juggler,
Taking your deepest love as my target,
I will plant them all in your throbbing Heart,
In your sobbing Heart, in your streaming Heart!

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